- Tu ne m’aimes plus ?
- Si je t’aime encore, mais…
- Quoi mais ? Tu m’aimes ou pas, c’est pas plus con que çà ?
- Bien je t’aime oui mais plus comme çà
- Plus comment ? Plus d’amour ?
- Oui c’est ça j’t’aime plus d’amour, tu vois, mais je t’aime toujours crois-moi !
Aimer toujours d’abord et puis ensuite, toujours, ne plus aimer d’amour.
Ne plus aimer d’amour ça veut dire quoi ? Ne plus s’aimer tous les jours c’est ça ? Les jours pairs avoir des doutes et les impairs essayer coûte que coûte. Ne plus aimer d’amour, c’est ne plus se mirer dans les yeux de l’autre, ne plus l’admirer vraiment, en tous cas pas autant que l’autre assurément. Parce-que oui il y a toujours un ou une autre. Parce que personne ne part sans l’ombre d’un doute, l’ombre de l’autre.
Ne plus s’aimer d’amour, est-ce s’aimer encore mais sans le faire, car on couche pas avec un membre de sa famille, « tu es un peu comme mon frère ». Passé d’amant à ami, le passage au lit est désormais jeu interdit et c’est tant mieux ou tant pis, mais quand on ne s’amuse plus, on abrège la partie, l’un reste, l’autre part et pourtant celui qui reste est peut-être celui qui fuit.
Est-ce pour ça que tu ne supportais plus de baiser, sauf dans le noir ? A la lumière du jour, l’amour feint coupe la faim et la fin laisse les ventres vides et le cœur affamé, à jamais. Alors c’est ça, ne plus s’aimer d’amour c’est s’aimer sans ne plus vouloir baiser, point g à la ligne.
C’est drôle pourtant aujourd’hui baby, tu me supplies de te quitter et aujourd’hui je crois bien que tu ne m’as jamais si bien baisé ma poupée. Ou alors c’était il y a longtemps, le temps où mes retards te faisaient trembler, le temps où tu t’inquiétais de mon absence car « si tu meurs j’en crèverai » et avant l’autre, le sale con c’était moi.
Ne plus s’aimer d’amour, c’est préférer l’autre dans sa vie, sans renoncer à « nous » toujours : « restons amis car j’en mourrai de ne plus t’avoir à mes côtés ». Et bien crève alors, maintenant la tumeur, mais sans gémir, essaie de préserver ce qu’il te reste de dignité. Tout gagner et ne rien perdre, t’es comme toutes les autres merdes, il faut toujours que tu te serves. Et ma souris ici c’est pas le paradis, sinon je veux bien vivre en enfer, pour ne plus voir ta face de Lucifer.
Vouloir le beurre et le cul du fermier et surtout ne pas culpabiliser, putain la vie est trop courte pour renoncer. « Pardonne-moi, mais c’est plus fort que tout, on peut pas lutter c’est trop fort, tu comprends ? C’est comme malgré nous, un truc de fou ! ». Et là le cocu il n’a pas d’autre choix que de fermer sa gueule. C’est imparable : rien, ni personne ne peut, ne doit s’opposer à l’amour, au beau, au sacré. Putain tais-toi, arrête de chialer, ravale ta fierté, à trop te la ramener, tu vas te condamner à la solitude à perpétuité.
- Et donc c’est sûr lui, tu l’aimes d’amour ?
- Oui…d’amour, pardon !
Ferme ta gueule, ne dis plus le mot « amour ». Hier encore j’étais le dindon : “ton festin, ton destin, ton présent, ton avenir”. Tais-toi, putain, enfonce-tes doigts et puis ton poing dans ta bouche, avant que j’te balance le mien dans ta gueule
ça fait chier, tu vas tout salir avec tes mots malpropres. Arrête de vouloir expliquer l’absurdité, c’est bon je m’en vais !
Aimer d’amour c’est saisir l’opportunité de changer ta vie, sans bouger ton petit cul de feignasse, car si avec moi désormais la vie te lasse, t’imagine qu’avec ton René, ton existence ça va être Vegas. Je sais ce que c’est va, t’embarrasse pas de mensonge à la noix, pas avec moi, j’ai pas oublié qu’il y a quelques années j’étais de l’autre côté et dois-je te le rappeler au crétin précédent t’as servi le même serment « entre lui et moi c’est évident, nous nous aimons d’amour vraiment ». Pauv’ con que je suis, je me souviens très bien à l’époque d’avoir trouvé çà charmant. Ouais c’est vrai je me suis gargarisé, je dois bien l’avouer, d’être l’élu de ton petit cul, ce trou à rats, je m’en mords les doigts.
Le Roi est mort, vive le suivant.
Ne plus aimer d’amour c’est sans doute la suite logique, d’avoir vécu trop longtemps à mes côtés, le conte de fées que tu t’étais raconté a pris l’eau et notre amour s’est noyé dans ton amertume de n’être que toi malgré moi.
Entre vous c’est fort, je te crois : le rêve ne connaît pas de limite, si ce n’est la créativité de son auteur et c’est vrai t’as de l’imagination à tes heures. Alors oui tu l’aimes, tous les gosses aiment le père Noël, mais t’oublie un détail, t’as passé l’âge des sucreries, ta vieille carcasse va se casser les dents contre la hotte, remplie de ton vide intérieur, qui te laisse seule irrémédiablement.
Le rêve est une bulle magique, fragile elle éclate au contact de la réalité. Mais je ne suis pas inquiet, tu trouveras bien une nouvelle opportunité : Pierre, Paul, Jacques, peu importe pourvu qu’il fasse le job et t’aide à t’échapper de ta réalité : celle de n’être non pas rien, mais seulement toi et toi seulement, alors celui-là aura le bonheur à son tour d’être aimé d’amour et pour toujours…