Meurtrier du dimanche

L’enfance, plaie béante, se cautérise au feu des rêves. Les chimères floutent les contours de l’amère douleur, la mère de mauvaise vie…

Mais quand arrive l’âge de raison, vient avec lui l’innommable, la pire des trahisons : « l’adultance » auto-infligée.
Les rêves devenus tentatives échouent à la réalité et se brisent à la raison.
Sans rêve, plus d’échappatoire, plus d’espoir, alors l’homme enterre la hache de guerre, le deuil de l’enfance impossible à faire, las d’une vie de combat, avec le temps tout se fracasse, alors il attend, attend, le temps que sa carcasse en mille os se casse…

Passe l’existence, passent les rêves sous silence, il a élaboré sa vie comme une stratégie de la survivance, il est triste quand il y pense, alors… il se la remplit la panse, le ballon de baudruche engoncé finira bien par s’éclater, un jour enfin, i’ va s’marrer…

Bulle d’air, bulle de taire, un mot le perce et l’homme disparait, transpercé de vérité, bulle de terre ensevelie, dégonflé il fuit, recroquevillé au fond de son lit, écorché aux rêves cassés, dans le sommeil il cherche l’oubli, le sommeil unique objet de son désir devient comme ses rêves d’enfant, insaisissable, espéré, attendu, le sommeil, désir d’absolu, lui échappe, le fuit, effrayé à l’idée d’être rattrapé, par son ennui.
Insomniaque désormais, à l’homme lui reste l’alcool, ultime abri, dans la tempête de ses pensées folles.

Les rêves exécutés au champ du déshonneur, il n’a plus rien, il n’est plus rien, il vomit son cœur, tout son être, son malheur. Il regarde le néant viscéral jailli de sa bouche dégoût, éclabousser ses pieds, avant de disparaître dans la bouche d’égout, une juste fin après tout.

Somnambule de l’existence, dans les rues, l’homme déambule sa désespérance, un cerveau vivant dans un corps mort.
Fantôme de sa vie, il porte son corps comme un macchabée, dont il faudrait s’débarrasser.
Meurtrier du dimanche, assassin de la petite semaine, trop couard pour se descendre, il monte une à une, les marches de son existence, mercenaire du quotidien, il tue le temps devenu vain, depuis les rêves trucidés.